Hausse de prix des céréales, mais recul du colza
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La révision à la baisse des récoltes australiennes d’orge et de blé fait monter les prix de ces céréales. Au contraire, la production de canola meilleure que prévu en Australie, et l’avancée des récoltes au Canada pèsent sur le prix des colzas. La faible demande et les bonnes perspectives de production du soja en Amérique du Sud font baisser le tourteau.
Blé : les prix français s’offrent un rebond
Le blé rendu Rouen s’est renchéri de 9 €/t en une semaine, pour atteindre 230 €/t (base juillet). Le blé rendu La Pallice a également augmenté au même niveau et d’un montant quasi similaire.
Le seul élément véritablement haussier cette semaine a été une révision en baisse par Abares (Bureau australien de l’économie, des ressources et des sciences agricoles) de la récolte australienne, à seulement 25,4 millions de tonnes. Les conditions sèches se sont accentuées ces dernières semaines en Australie à cause du phénomène climatique El Niño. Cette révision en baisse fait écho à celle faite sur la récolte canadienne en début de mois par StatCan. À l’instar de l’Australie, la récolte canadienne s’annonce décevante alors qu’elle touche déjà à sa fin.
Les nouvelles frappes russes dans la région du port d’Izmail ont également apporté du soutien aux prix. Cela n’empêche pas les exportations ukrainiennes de se poursuivre via ses ports du Danube. Malgré tout, l’Ukraine devrait peiner à écouler l’ensemble de sa récolte de blé, qui se précise à un niveau plus élevé que prévu, grâce à de bons rendements.
Les prix dans la zone de la mer Noire subissent la pression du blé russe Fob Novorossiysk (à 11,5 % de protéines) qui baisse à 232,5 $/t, malgré les exportations élevées du pays. En effet, la récolte russe dépasse les attentes et pourrait dépasser allègrement les 90 millions de tonnes, à son deuxième meilleur niveau historique. La Russie continue d’inonder le marché du blé avec 5,2 millions de tonnes exportés en août, soit un volume record. À l’inverse, les exportations françaises sont timides, avec des chargements assez faibles vers l’Afrique du Nord depuis le début de la campagne. Il est donc probable que le rebond observé des prix français ne soit que temporaire.
Orge : les prix français se reprennent aussi
Le prix de l’orge fourragère rendu Rouen a atteint 217 €/t en cette fin de semaine. C’est une hausse de 9,5 €/t par rapport à la semaine dernière. On peut y voir les effets d’exportations françaises vers la Chine très dynamiques depuis le début de la campagne.
Ainsi, la France a exporté environ 1,1 million de tonnes d’orge entre le 1er juillet et le 31 août 2023, en forte hausse par rapport aux 240 000 tonnes envoyées l’année précédente sur la même période. La concurrence australienne sur la Chine est certes plus forte aujourd’hui qu’au début de la campagne (notamment à cause de la levée des droits d’importation sur l’orge australienne), mais les mauvaises récoltes en Australie et au Canada donnent de l’intérêt à l’origine française.
À l’exportation, l’orge Fob Rouen a réagi en gagnant 7 $/t sur une semaine, pour atteindre 238 $/t. La hausse des prix a également été soutenue par les perspectives de récolte en Australie. En effet, Abares a revu en baisse sa prévision à 10,5 millions de tonnes, contre 14,1 millions de tonnes l’an dernier. Comme pour le blé, il faut y voir les effets néfastes de la sécheresse induite par le phénomène météorologique El Niño. L’orge Fob Australie voit ainsi son prix augmenter à 265 $/t.
À ce scenario s’ajoute le Canada qui voit également son estimation de production révisée en baisse par l’institut StatCan, à 7,8 millions de tonnes. Dans le même temps, la Russie reste l’origine la plus compétitive du marché, avec un prix de 185 $/t Fob Novorossiysk. Entre le 1er juillet et le 31 août, la Russie a exporté un volume record de 2 millions de tonnes, contre 1,1 million de tonnes en 2022 sur la même période ! La Russie devrait voir ses exportations vers la Chine monter en puissance.
Sur le segment brassicole, l’orge d’hiver Fob Creil diminue de 3 €/t, à 232 €/t, tandis que l’orge brassicole de printemps recule davantage, de 14,5 €/t à 297,5 €/t. Les primes ont donc diminué mais restent encore élevées. Les perspectives d’un ralentissement de l’activité du secteur brassicole se font de plus en plus pesantes. Néanmoins, les primes restent soutenues par les mauvaises récoltes engrangées ou à venir en Europe du Nord, au Canada et en Australie.
Chute du colza sur Euronext
Les contrats à terme sur les échéances de novembre 2023, février et mai 2024 ont perdu entre 12 et 14,25 €/t en une semaine, entraînés à la baisse par la chute des cours sur le marché canadien. Ces derniers ont surtout cédé face à l’afflux d’offres de canola canadien nouvellement récolté.
Les travaux avancent en effet plutôt bien, avec 23 % des champs récoltés dans le Saskatchewan au 4 septembre. Les résultats sont mitigés dans cette province canadienne, avec de bons rendements dans le Nord-Est, où les pluies ont été au-dessus des normes, mais plus décevants dans le Sud-Ouest, trop sec durant le cycle des cultures. La production canadienne devrait toutefois atteindre un niveau correct.
Les prix canadiens ont aussi diminué sous l’effet de la publication par Abares d’une nouvelle estimation de la production australienne. Elle est revue en hausse par l’institut australien, à 5,2 millions de tonnes. À noter que plusieurs analystes privés situent cette récolte entre 5,6 et 5,7 millions de tonnes, ce qui suggère que l’offre mondiale à l’exportation en colza et canola sera à la hauteur de la demande, d’autant plus que l’Ukraine vient de récolter une production record de colza.
Les prix des huiles végétales, et notamment de l’huile de palme, ont aussi pesé sur la graine oléagineuse, les stocks en Malaisie à la fin d'août étant estimés en hausse par plusieurs opérateurs du marché par rapport à ceux de la fin de juillet. Cela découle d’un rebond de la production malaisienne en août, et d’une chute des exportations, freinées par une demande mondiale morose.
Une conjoncture économique peu porteuse, et des stocks élevés chez les principaux importateurs (Inde, Chine) continuent de peser sur le prix des huiles végétales — et sur le colza par ricochet. Le rebond des cours du pétrole n’a ainsi pu freiner que très modérément la baisse des prix du colza français sur la semaine.
Baisse des prix du tourteau de soja
L’annonce de fortes pluies permettant une bonne recharge de l’humidité des sols en Argentine et au Brésil, a pesé sur les prix du tourteau américain. À Chicago, malgré la dégradation des conditions de cultures du soja aux États-Unis, le contrat à terme sur l’échéance d'octobre a diminué de 9 $/t sur la semaine, à 437 $/t.
Aux États-Unis, l’état des cultures de soja a en effet souffert des conditions chaudes et sèches des dernières semaines. Les champs considérés comme bons à excellents ont vu leur notation s’effondrer de 5 points en une semaine (à 53 % le 3 septembre).
Les cours se sont repliés également à la suite de l’annonce par la Bourse de Buenos Aires d’une production de soja attendue à 50 millions de tonnes en Argentine pour la campagne de 2023-2024, contre 21 millions de tonnes l’an dernier. Les semis argentins démarreront en novembre. Au Brésil, les semis de soja vont commencer en septembre et une surface et une production records sont attendues. Les faibles niveaux d’eau dans le canal de Panama exercent aussi une pression baissière sur les prix du tourteau de soja aux États-Unis, en renforçant la demande asiatique pour l’origine brésilienne.
La tendance a été la même sur le marché français. Le prix du tourteau de soja a diminué de 9 €/t, à 491 €/t, à Montoir. Le tourteau de soja reste par ailleurs peu attractif dans les rations animales. L’arrivée des récoltes de céréales en France et en Europe, ainsi que la hausse attendue d’une campagne sur l’autre de la part du blé fourrager dans la plupart des grands pays producteurs, ont également exercé une pression baissière sur les prix de la protéine de soja.
A suivre : conditions de culture aux USA et en Amérique du Sud (maïs et soja), récoltes des cultures de printemps (Europe et mer Noire), capacité d’exportation maritime et fluviale de l’Ukraine, prix du pétrole, prolongation ou non de l’interdiction d’importer des céréales et oléagineux ukrainiens dans 5 pays de l’est de l’UE au-delà du 15 septembre, conjoncture économique mondiale.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :